Escaflowne: analyse d’un chef d’oeuvre de l’animation

Escaflowne: analyse d’un chef d’oeuvre de l’animation

La série Vision d’Escaflowne produite par le studio Sunrise a déjà 27 ans d’existence et cela fait presque un quart de siècle que j’ai découvert ce joyau sur Canal + . Depuis lors je l’ai acheté en coffret DVD collector sorti chez Dybex que je garderai toute ma vie.

Force est de constater que, malgré le poids des années, la magie et l’émotion de cette oeuvre majeure demeurent aussi fortes qu’au premier jour. Dans cet article, je vais me livrer à une analyse psychologique des personnages principaux et des thèmes de la série.

Nous allons nous pencher sur certains “méchants” de la série, et parmi eux, il y en a qui ont une personnalité plus nuancée qu’il n’y paraît, l”intrigue évitant habilement le piège du manichéisme.

Folken

Tout d’abord Folken, le frère aîné de Van qui est à mon humble avis le personnage le plus fascinant et le plus charismatique de l’oeuvre.
L’élément déterminant qui confère son charme au personnage, c’est son caractère ambivalent, en équilibre perpétuel entre l’ombre et la lumière.

Du temps de son adolescence, Folken Fanel était un jeune homme gentil, doux et non violent.
Il avait lu un conte traditionnel à son petit frère et dans celui ci, le héros du récit avait tué le dragon pour ainsi pouvoir accéder au trône. Van n’a pas du tout aimé cette histoire car le dragon n’avait rien fait de mal au prince et Folken partageait son point de vue, le meurtre étant d’après lui un acte barbare et inutile.
Malheureusement pour lui, peu après, et conformément aux traditions de Fanélia, suite à la mort de son père souverain du pays, il dut affronter un dragon pour pouvoir accéder au trône. Hélas au cours du combat, le dragon lui arracha le bras, cependant, la bête lui laissa la vie sauve. Il fut finalement sauvé par Dornkirk et ses sbires. L’empereur greffa un bras artificiel à notre ex prince et lui proposa de se joindre à lui pour accomplir leur idéal commun: un avenir ou tous les habitants de Gaïa vivraient en paix et seraient heureux.

Folken a du sang sur les mains puisque c’est lui qui ordonna la destruction de Fanélia. Sans doute voulait-il tirer un trait sur son passé, et qu’il était fondamental pour lui de tout détruire pour ensuite tout reconstruire.
C’était effectivement un acte cruel qu’il avait approuvé.
Mais d’un autre côté, il pouvait se montrer sensible et charitable.

On rappellera qu’à chaque fois que Folken fut confronté à son petit frère, il ne chercha jamais à le tuer: il lui proposa les premières fois de le rejoindre dans son camp. A la fin du 5e épisode, lors de l’invasion de la forteresse orchestrée par Allen Schezar et l’équipage du Croisé, il rendra son épée à Van avant de disparaître dans les ténèbres.

Il a proposé au métamorphe Zongi de le rejoindre: cet individu ainsi que ses congénères se sont fourvoyés dans des batailles sanglantes au cours desquelles ils ne savaient plus distinguer leurs ennemis de leurs compatriotes, et Zongi en venait quasiment à perdre sa propre identité. Folken lui garantissait que travailler aux côtés de l’empire Zaïbacher lui permettrait d’échapper à la malédiction qui frappait son peuple et qu’il pourrait être enfin heureux.

Narya Erya

Il en va de même pour Naria et Erya les femmes panthères qui lui sont dévouées corps et âme: il les sauva d’une mort certaine quand elles étaient petites: les pauvres ne purent empêcher l’assassinat de leurs parents et étaient traqués par des humains racistes qui voulaient les tuer ou les réduire en esclavage.
Folken éprouvait une compassion sincère envers Naria et Erya et décida de les prendre sous son aile pour bâtir un monde meilleur pour tous.

Folken, Zongi, Naria et Erya ont en point commun d’avoir un passé douloureux et tragique, et Folken souhaitait ardemment qu’ils puissent connaître le bonheur auquel ces trois êtres aspirait depuis si longtemps, en particulier Naria et Erya.

Naria et Erya sont follement amoureuses de Folken, mais cet amour n’est pas réciproque.
Enfin pas tout à fait: Folken les aime sincèrement, mais il tient à elles comme à des amies.
La relation entre les trois personnages est très intéressante. Folken leur proposa d’augmenter leur niveau de chance afin qu’elles puissent réussir à capturer plus facilement Hitomi, mais il les mit en garde que le procédé pouvait être dangereux: elles acceptèrent néanmoins sans hésitation.

Sur le point d’accomplir avec brio leur mission, les deux soeurs furent hélas victimes d’effets secondaires et le guymelef de Naria tomba en panne.
Folken fit part de son inquiétude à Erya et espérait sincèrement qu’elle s’en sortirait vivante.
Quand l’empereur Dornkirk ordonna à Folken d’aller envoyer Erya capturer Hitomi, celui ci fut réticent et demanda à l’empereur d’attendre encore un peu, la jeune femme panthère n’étant pas encore complètement rétablie.

Il fallut que Folken assiste impuissant à la mort tragique de Naria et Erya pour qu’il réalise qu’il était jusque là dans l’erreur, de même que l’empereur.

Il se remit en question, réalisa la gravité de ses actes passés et décida de rejoindre Van et Hitomi dans leur lutte contre l’empire Zaïbacher.

Comme il le dira lui même au sujet de Dornkirk, les intentions de celui ci ne sont pas mauvaises puisqu’il aspire au bonheur du peuple de Gaïa, ce sont les méthodes auxquelles il a recours pour les concrétiser qui sont contestables et inhumaines.

Folken avouera d’ailleurs à Van au sujet de la succession du trône qu’il voulait échapper au carcan de ces traditions barbares et archaïques.

A ce stade du récit, il était en quête de rédemption, prêt à se racheter et à expier ses crimes passés.

Ce que j’adore chez Folken, c’est que c’est un homme complexe, intelligent, intriguant, passionné et sensible.

Il n’est absolument pas stéréotypé et échappe avec maestria aux clichés récurrent de ce genre de personnage.

C’est d’après moi, l’un des piliers d’Escaflowne.

Dornkirk

Parlons à présent de l’empereur Dornkirk. C’est lui aussi un homme dont la psychologie n’a rien de simpliste.

On apprend au cours du scénario qu’il est tout comme Hitomi un terrien et qu’il était autrefois un scientifique de génie ainsi qu’un philosophe et un alchimiste hors pair.
Au crépuscule de son existence, il désirait ardemment maîtriser les rouages du destin et apprendre à le contrôler.
Au seuil de la mort sur son lit, cette pensée le hantait encore. Tout à coup, il fut téléporté sur Gaïa et en bien meilleure santé. Hitomi, Van et Allen crurent à tort que c’est à cause de lui que les guerres sont survenues sur cette planète: il n’en fut rien puisque les conflits étaient déjà là quand il est arrivé. Lorsqu’il visita le pays des Zaïbacher, il se rendit compte que cet Etat s’enlisait dans des conflits sans fin et que ses habitants vivaient dans une misère noire.
Il leur enseigna son immense savoir, et put leur permettre de vivre dans de meilleures conditions.
On se rend compte d’ailleurs dans le 18e épisode: si des pays comme Fanélia, Astria ou Fleid ont un mode de vie “médiéval” (sauf les robots géants qui font très moderne) l’architecture de la capitale de Zaïbacher fait davantage penser aux villes d’Europe Occidentale du temps de la révolution industrielle du XIXe siècle.

Dornkirk n’a pas fait que de mauvaises choses au cours de sa vie sur Gaïa, même s’il a aussi perpétré des crimes, comme le fait qu’il ait trahi et fait tuer Léon Schezar père d’Allen ou qu’il ait envahi et détruit de nombreux pays ne partageant pas son idéal.

Ce vieil homme est obnubilé par son rêve, mais il en est venu à accorder peu d’importance aux souffrances qu’il engendre…
Même si la série ne l’explicite pas vraiment, il y a de fortes chances que Dornkirk ne soit nul autre que Isaac Newton lui même qui fut un grand physicien et philosophe et qui était passionné par l’alchimie.
D’ailleurs dans le 24e épisode, le professeur de sciences physiques d’Hitomi parle d’Isaac Newton et de sa célèbre loi sur la gravitation universelle.

Dilandau

Et puis bien sûr, il y a l’inoubliable Dilandau: un psychopathe fou furieux qui éprouve un plaisir jouissif à terroriser ses ennemis et les faire périr dans d’atroces souffrances en poussant fréquemment des éclats de rires triomphaux.
Mais ce monstre de barbarie cache une souffrance tapie au fond de son coeur qui resurgira après le massacre de son escouade par un Van Fanel ivre de vengeance: l’ancienne personne que fut Dilandau (Serena) redoute par dessus tout de finir seul(e).

Van Fanel

Voilà un personnage qui m’a plu dès le premier épisode et qui est l’un de mes favoris.
Van Fanel est un jeune homme bourru, susceptible et fougueux.
Au début c’était une tête brûlée qui fonçait dans la bataille sans réfléchir, mais qui évoluera positivement: grâce entre autres aux bons conseils d’Allen, il deviendra plus réfléchi au fil du récit.

Bien qu’il déteste se battre, il excelle dans l’art du combat (grâce à l’enseignement de son maître Vargas).
C’est aussi un jeune garçon courageux, sensible et qui, malgré son côté fruste, est profondément gentil.

Hitomi Kanzaki lui sauvera la vie au péril de la sienne à plusieurs reprises ce qui le touchera profondément.
Il était extrêmement reconnaissant envers la jeune adolescente et, non seulement il lui sauvera la vie en retour plusieurs fois mais il se jura de la ramener sur la “Lune des Illusions” afin qu’elle puisse retrouver sa famille.

C’est un perfectionniste très exigeant envers lui même, et il demandera à la jeune fille de lui enseigner son don de voir les Guymelefs ennemis afin qu’il puisse les repérer et enfin pouvoir les terrasser.
Et il y arrivera! Il demandera ensuite à Hitomi de se joindre à lui et aux membres du Croisé pour pouvoir localiser les Guymelefs des Zaïbacher et ainsi remporter une victoire définitive sur eux… mais suite à son traumatisme avec le métamorphe (ou elle fut victime d’un arrêt cardiaque) elle refusa, de peur de connaître à nouveau cela (ce qui est compréhensible).
Van lui présenta après des excuses sincères, ayant oublié un peu vite l’horrible mésaventure dont elle fut victime.
Il réalisa son erreur et ne voulait absolument pas la faire souffrir.

Enfin, comme on a tous pu s’en rendre compte, l’amitié que le jeune roi de Fanélia voue à la fille de “La Lune des Illusions” se muera en amour…
Il aime de tout son coeur Hitomi et lui demandera dans le 19e épisode de rester auprès de lui sur Gaïa pour toujours, mais il mentira peu après en prétendant qu’il a avant tout besoin de son pouvoir pour anéantir Zaïbacher.
C’est tout à fait le genre de garçon qui se montre maladroit lorsqu’il s’agit d’exprimer son amour envers sa bien aimée.

Van Fanel est un héros charismatique, à le fois impulsif, doux et extrêmement attachant.

Merle

Il y a ensuite la fille chatte Merle, l’amie d’enfance de Van.
C’est un personnage espiègle, facétieux et plein d’humour. Elle est amoureuse de son “Maître Van” et est très jalouse d’Hitomi et se disputera souvent avec elle, même si au fil du temps, elles deviendront amies.
Toutefois, contrairement aux apparences, elle est beaucoup plus mature qu’elle en à l’air: elle peut se montrer très perspicace et surtout, dans le 24e épisode, elle incitera Van à rejoindre Hitomi pour qu’il puisse être heureux.

Hitomi Kanzaki

Venons en à présent à Hitomi Kanzaki, l’héroïne de notre histoire.

L’excellente idée qu’a eu Shoji Kawamori (l’initiateur du projet Escaflowne) ainsi que Kazuki Akané est d’avoir fait d’Hitomi une fille normale.

Ce n’est pas une super guerrière invincible et infaillible, et les créateurs ont refusé qu’elle soit une “bombe sexuelle” ainsi qu’un fantasme masculin, ils voulaient avant tout une fille ordinaire (si on excepte évidemment son “don de voyance”) auquel le public pourrait s’identifier facilement.

Bien leur en a pris, et je me souviens très bien que ma petite soeur mais aussi mes amies de l’université aimaient beaucoup Hitomi en raison du fait que c’est une fille vraisemblable avec ses qualités et ses défauts.

D’un côté, c’est une adolescente complexée qui est timide, émotive, parfois craintive et gaffeuse…
Mais d’un autre côté, c’est une jeune fille gentille, chaleureuse, douce, généreuse et courageuse, elle est prête à beaucoup de choses pour ses ami(e)s.
Ses remarquables aptitudes sportives lui permettront aussi de sauver Van des griffes de la mort (comme dans le mémorable 5e épisode)
Elle sait aussi éprouver de l’empathie et de la compassion envers les gens, comme le prince Sid, Allen ou Folken.
Elle arrivera aussi à lire dans le coeur d’Allen comme dans un livre ouvert, quand celui ci clame haut et fort qu’il hait son père pour l’avoir abandonné lui, sa mère et sa soeur, Hitomi devinera rapidement qu’il se ment à lui même et qu’au fond de lui, il caresse l’espoir de comprendre ce qui a poussé son père à agir ainsi et de lui pardonner…

Elle croira longtemps qu’elle était amoureuse d’Allen, mais en fait, elle a fait un transfert d’Amano ( qui est presque son sosie) sur Allen. Ce dernier devint presque un lien “indirect” avec la Terre et lui permettra de ne pas sombrer complètement dans la déprime (ça plus le fait qu’elle se confie à Van).

Pour ce qui est de l’histoire d’amour de Van et Hitomi, je la trouve magnifique.
C’est un amour sincère, profond et très pur qui les lie l’un à l’autre.
L’estime, le respect, la tendresse et l’amour qu’ils ont l’un envers l’autre donneront lieu à certains des passages les plus beaux de la série:
Par exemple leurs retrouvailles dans le 24e épisode est un bijou de mise en scène et d’émotion qui me fait à chaque fois verser une petite larme.

La force et la sincérité de leur amour leur permet de franchir de nombreux obstacles et de surmonter les épreuves les plus difficiles.

Enfin, le dénouement est magistral, grandiose et riches en sensations fortes et en émotion.

Hitomi et Van

En conclusion, je dirais que Vision d’Escaflowne est l’une des meilleures séries d’animation que je n’ai jamais vu.
Elle mélange habilement héroïc fantasy, robots géants, romance, mysticisme et philosophie.
Les scènes d’action sont nombreuses, impressionnantes et spectaculaires.
Le scénario est bien ficelé, remarquablement construit et passionnant d’un bout à l’autre. Il sait entretenir le suspense et les rebondissements.
Les personnages sont complexes, attachants et profondément humains.
Quant à la réalisation technique, elle est exemplaire: le graphisme est superbe, l’animation traditionnelle est excellente et très fluide et n’a pas pris une ride.
Enfin, les musiques de Yoko Kanno et Hajime Mizoguchi sont sensationnelles, somptueuses et envoûtantes, c’est l’une des meilleures BOs que je n’ai jamais entendu pour une série télévisée.

Escaflowne est une oeuvre intelligente, poétique, onirique, captivante et réellement très émouvante.
Cette oeuvre est un formidable hymne à l’amour et à l’espoir et l’un des messages qu’elle véhicule c’est: “On peut réaliser ses rêves, à condition de s’y investir à fond et d’y mettre tout son coeur et toute son âme.”

L’édition collector de Dybex fait honneur fait honneur à ce monument de l’animation japonaise et elle est vraiment indispensable à tous les amoureux de cette fantastique série.

Et, à l’exception des personnes allergiques à l’héroïc fantasy, je recommande Vision d’Escaflowne à toutes celles et ceux ne l’ayant pas encore vu.
Si vous voulez une belle série d’aventures épique et romanesque, à la fois truffé d’action et philosophique, Escaflowne est fait pour vous.

 

6 thoughts on “Escaflowne: analyse d’un chef d’oeuvre de l’animation

  1. Superbe article bien détaillé avec analyse complète sur la psychologie de chaque personnage!

  2. Bravo pour ce bel article très détaillé. J’ai beau ne pas avoir vu la série, ça me renvoie à une certaine époque désormais bien lointaine.

  3. On a envie de revoir la série après avoir lu une analyse aussi passionnée 😉 Quand j’ai vu la série en 2014, j’avais beaucoup apprécié le personnage de Folken en antagoniste ambigu, comme j’aime 😉

    1. Je suis très content que mon article t’ait donné envie de revoir ce grand classique de l’animation japonaise Veggie11 ! 😀
      Oui Folken est aussi selon moi le meilleur personnage de la série: intelligent, charismatique, ambivalent et fascinant. C’est aussi le personnage de Escaflowne que ma soeur préfère. ^_^

  4. Comme Veggie l’a si bien écrit, après une telle lecture, il est difficile de résister à l’envie de revoir cette magnifique série ! Personnellement, je ne suis pas un fou furieux d’héroïc-fantasy, mais quand j’ai découvert cette série, comme toi sur Canal lors de sa première diffusion, je suis totalement tomber sous son charme. Tout y est d’une grande sensibilité, le fond et la forme. C’est parmi les séries l’une des plus parfaites et même si elles sont différentes, elle côtoie dans mon cœur celle de Cowboy Bebop, autre chef-d’œuvre à la même époque.

    Une petite chose amusante : tu évoques Dornkirk en supposant que sa véritable identité est peut-être celle d’Isaac Newton en mentionnant sa loi sur la gravitation universelle. Juste avant de lire ton texte, j’étais en train de regarder (pour une énième fois) la magnifique série sur l’histoire de l’astronomie Tour du monde, tour du ciel (1991) de Robert Pansard-Besson. A la fin du premier documentaire, le très sympathique astrophysicien Pierre Lena posait cette question que ce posaient les anciens égyptiens : qu’est-ce qui tient le monde ?

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