Critique: Devilman Crybaby
Devilman Crybaby
Réalisation: Masaaki Yuasa
Akira Fudo est un adolescent assez timide, introverti et réservé.
Un jour son ami d’enfance Ryo Asuka vient requérir son aide et ils doivent ensemble résoudre un problème énigmatique. Au cours de leur trajet en voiture, Ryo révèle à Akira que les démons existent bel et bien et qu’il ne s’agit absolument pas d’une chimère imaginaire. ceux-ci vivent déjà parmi les humains et s’apprêtent à déferler sur toute la planète pour exterminer l’espèce humaine. L’unique moyen de contrecarrer leur plan machiavélique et que Akira prenne possession du corps d’un démon et fusionne avec lui !
Seul un homme au coeur pur et à l’âme innocente pourrait ne pas se laisser dominer par les pulsions diaboliques du démon et imposerait sa conscience à la créature.
C’est au cours d’une orgie où plusieurs femmes et hommes laissent libre cours à leurs plus bas instincts que des démons possèdent plusieurs d’entre eux et se livrent à un carnage et une véritable hécatombe. Le démon Amon fusionne alors avec Akira. Le jeune homme va dès alors acquérir les pouvoirs titanesques de celui-ci et devenir le surpuissant Devilman. Peu après sa métamorphose, il extermine sans pitié tous les démons présents lors de cette orgie.
Le changement n’est pas que physique chez Akira, car, bien qu’il puisse reprendre son apparence humaine, il a acquis une silhouette plus svelte et élancée, et, s’il est devenu plus musclé, il a aussi gagné en assurance et en confiance en lui.
Toutes les filles de son lycée sont folles de lui, mais la seule d’entre elle dont il est amoureux, c’est Miki, son ami d’enfance.
Les démons ne comptent cependant pas en rester là et ils sont bien déterminés à retrouver la piste de Akira pour le tuer et libérer Amon. C’est alors que s’engage un combat sans merci entre Devilman et les démons, d’autant plus que Akira découvrira peu après qu’il n’est pas l’unique Devilman de ce monde.
Akira et Ryo devront conjuguer leurs efforts en commun pour mettre hors d’état de nuire les démons…
ATTENTION SPOILERS dans le reste de ma critique.
Devilman Crybaby est une série animée télévisée de 10 épisodes produite en 2018 par Dynamic Planning, Aniplex et Netflix. C’est une adaptation animée moderne du plus grand chef d’oeuvre de Go Nagai: Devilman publié en 1972 et constitué de 5 tomes (disponible aux éditions Black Box).
Si il y a déjà eu plusieurs adaptations animées de cette oeuvre phare du mangaka (une série TV de 1972 inédite en France, une série d’OAVs de deux épisodes produites de 1987 à 1990, Amon Devilman produite en 2000), Devilman Crybaby est la première d’entre elle à adapter l’intégralité de l’oeuvre originale.
Le character design est de prime abord déconcertant, tant il est éloigné du trait de Nagai, toutefois, on s’y fait rapidement, tant celui ci est expressif et “vivant”.
Le premier épisode m’avait toutefois fait un peu peur: l’animation était minimaliste, et les décors trop dépouillés. De plus, le passage, capital, du manga et des OAVs où Ryo Asuka explique à Akira Fudô l’existence des démons a été trop expédié à mon goût.
Pour ma part, ça allait, mais je me demande si ce moment clé de l’histoire n’a pas été trop nébuleux pour les néophytes n’ayant pas lu le manga ou vu les OAVs.
Heureusement, le niveau s’améliore considérablement à partir du deuxième épisode.
Akira Fudô, à l’instar du manga, gagne en assurance et en charisme, le rythme narratif (à de rares exceptions près) est plus équilibré et n’est ni trop mou, ni trop précipité, et on retrouve l’ambiance sombre, horrifique et crépusculaire de l’oeuvre majeure de Go Nagai.
On y retrouve d’autres personnages majeurs comme Miki le grand amour de Akira, bien qu’elle ait un caractère un peu différent: elle est moins “combattive”, mais elle n’est absolument pas nunuche, préférant opter pour le sens du dialogue.
Elle est aussi d’une très grande beauté, et, fait original, est métis: sa mère est Japonaise et son père est un occidental. Elle a aussi de magnifiques yeux verts. Ce qui est mit en avant chez elle, c’est son caractère sensible, bienveillant, compréhensif et compatissant.
Ce que j’ai bien aimé dans l’animé, c’est qu’il développe certains personnages: par exemple la jeune Miko, personnage intéressant mais sous exploité dans le manga (elle fait partie des Devilmen recrutée par notre héros pour combattre Satan et son armée) est ici beaucoup plus importante et est la rivale de Miki.
Elle évolue beaucoup au fil de l’histoire, et, si au début, elle éprouve du ressentiment et de la rancoeur envers Miki (qui l’a involontairement éclipsé auprès de ses camarades de classe en raison de ses aptitudes exceptionnelles d’athlète), petit à petit, ses rapports avec elle change, et on sent qu’elle éprouve un grand respect envers elle.
Akira Fudô demeure un héros fascinant, et, il a des pulsions bestiales et éprouve une joie délectable à décimer les démons qui menacent les humains, à plusieurs reprises, son humanité refait surface et son but est avant tout de protéger ses pairs et ses proches ainsi que les êtres qui lui sont chers. Il sait éprouver de l’empathie envers autrui et être à l’écoute de son prochain.
On retrouve dans cette adaptation animée l’idéologie forte de Go Nagai lorsqu’il dénonce les crimes et les instincts les plus vils de l’humanité tels que le racisme, la guerre, le mépris et le crainte de ce qui est différent, ce qui rejoint l’expression célèbre de Hobbes: “l’homme est un loup pour l’homme”. De plus, tout comme le manga, l’animé n’est pas du tout manichéen et on en vient légitimement à se demander qui sont les plus fous et les plus monstrueux: les humains ou les démons ?
L’histoire est également replacé dans une contexte contemporain résolument plus moderne, on y montre l’ampleur des médias tels que la télévision, Internet et les réseaux sociaux et leurs répercussions sur les gens.
Il y a aussi quelques passages spécifiques et inédits à l’animé qui sont extrêmement poignants:
Miki quant à elle est une fille admirable:
elle découvre que son ami d’enfance Akira est un jeune homme ayant un corps de démon, mais, au lieu de se laisser aller à des préjugés, elle sait pertinemment qu’en son for intérieur, il est resté fidèle à lui même: un garçon gentil, doux et pensant davantage aux autres qu’à lui même. Elle a su lire dans son coeur et dans son âme. Et, bien que la destinée tragique de Miki soit inéluctable, on s’est tellement attaché à elle au fil de l’animé qu’on en vient à espérer qu’elle puisse s’en sortir, même si nous savons hélas que cela n’arrivera pas (surtout quant on a lu le manga au préalable).
Cela nous renvoie aux heures les plus noires de l’histoire de l’humanité quant des bienfaiteurs de l’humanité et des pacifistes tels que Gandhi et Martin Luther King furent brutalement assassinés.
En ce qui concerne l’animation, elle est inégale, tantôt moyenne, tantôt très très bonne.
J’aime particulièrement la gestuelle des Devilmen quand ils courent, très bestiale et animale.
Fait intéressant, le combat opposant Devilman à Satan est beaucoup plus développé (alors qu’il était suggéré dans le manga) donnant lieu à une confrontation épique d’anthologie.
Soyons clair, cette série TV ne surpasse pas le manga, ni les OAVs de 1987 et 1990 (la meilleure adaptation animée à mon humble avis, bien qu’elle soit inachevée).
Elle n’en demeure pas moins excellente, intelligente, très sombre, fort émouvante et empreint d’une certaine poésie. Elle aurait juste mérité selon moi d’avoir deux épisodes supplémentaires pour étoffer certaines thématiques et développer quelques personnages…
Néanmoins, elle vaut vraiment le coup.
Cependant, attention aux âmes sensibles, elle est extrêmement violente et il y a beaucoup de sexe, même si ces éléments n’ont globalement rien de gratuit et servent le propos de l’oeuvre.
Je conseille fortement Devilman Crybaby !
La série est disponible dans son intégralité sur Netflix en VF et en VOSTFR.