Critique de la série animée Maison Ikkoku/Juliette je t’aime

Critique de la série animée Maison Ikkoku/Juliette je t’aime

Yusaku Godaï (Hugo Dufour en VF) est un lycéen âgé de 18 ans qui vit dans une pension, la “Maison Ikkoku” (La Pension des Mimosas). Il ne supporte plus du tout les autres locataires qui passent leur temps à faire la bringue, à hurler et à chanter à tue tête!


Et pour couronner le tout, ils ne cessent de se moquer de lui et le traitent constamment de raté.
Leur brouhaha perpétuel l’empêchent constamment de se concentrer sur ses études, surtout qu’il prépare des examens d’entrée à l’université. Déterminé à réussir ses études, il est persuadé qu’il doit quitter cette maison de fous et il décide de déménager illico presto…


Au moment où il s’apprête à quitter cet enfer, il fait la connaissance de Kyôko Otonashi (Juliette Rozier en VF), la nouvelle concierge, une magnifique jeune femme âgée de 20 ans. Godaï tombe fou amoureux d’elle, revient sur sa décision et décide de rester afin de pouvoir conquérir l’élue de son coeur…

Maison Ikkoku (Juliette je t’aime en VF) est à la base un seinen manga (manga pour jeunes adultes) de Rumiko Takahashi. C’est la deuxième série longue de cette grande mangaka et elle travailla en parallèle sur cette oeuvre avec Urusei Yatsura/Lamu qui se concluront toutes les deux en 1987.

Maison Ikkoku fut adaptée dans une série télévisée de 96 épisodes à partir de 1986 par le studio Deen et Kitty, alors que le manga original allait doucement vers son dénouement, ce qui a permis à la série TV de ne pas rattraper le rythme de publication du manga. De plus, il y a très peu de “filers” dans la série animée, surtout que bon nombre d’entre eux ne trahissent pas l’esprit du manga original.
Il existe également des OAVs et un film d’animation (ainsi qu’une série live récente!) mais ils ne sont jamais arrivés en France.

J’ai  pour ma part d’abord connu la série animée sous son sobriquet français “Juliette je t’aime” en 1988 lors de sa diffusion dans le très célèbre Club Dorothée. C’était déjà en ce temps là l’un de mes dessins animés favoris que je suivais assidûment et dont je ne loupais pas un épisode tant il me passionnait. Après, je ne l’ai plus revu pendant de très longues années mais j’en avais gardé des souvenirs magiques.
Lorsque j’ai redécouvert le titre dans les années 2000 sur la chaîne AB1, ce fut le coup de foudre, et, contrairement à certaines séries animées ayant bercé mon enfance, elle n’avait pas du tout vieillie, bien au contraire, elle s’est avérée être encore meilleure que dans mes souvenirs d’enfance.

Tout d’abord, elle est techniquement splendide. Le character design de Yuji Moriyama sur les 26 premiers épisodes est très joli et fidèle au trait de Rumiko Takahashi, sans être aussi maladroit que le sien sur les tout premiers volumes.

Puis à partir de l’arrivée d’Akemi Takada à ce poste au 27e épisode, le character design deviendra absolument magnifique et constitue un enchantement pour les yeux. Akemi Takada a réellement sublimé la série quand elle a intégré le staff.
Il en va de même pour l’animation: elle est déjà très bonne sur les 26 premiers épisodes et deviendra excellente dès le 27e épisode, étant plus proche d’une série d’OAVs au budget confortable que d’une série TV ordinaire, certains mouvements des protagonistes étant d’un réalisme saisissant et d’une fluidité inouïe.
Cerise sur le gâteau, la réalisation technique est homogène sur la totalité des épisodes, le character design et l’animation ne connaissent aucune fluctuation choquante, contrairement à d’autres séries de la même époque.
Les musiques composées par Kenji Kawai et Takuo Sugiyama sont également somptueuses et sont un véritable émerveillement pour les oreilles. Certaines sont très déjantées, d’autres sont au contraire très apaisantes et mélancoliques…

Et qu’en est il de l’histoire?
Et bien, il s’agit tout simplement de la plus belle comédie sentimentale de l’histoire du manga et de l’animation japonaise.

L’histoire est très bien construite, elle est passionnante à suivre, ne s’éternise jamais et n’est ni trop longue, ni trop courte.

Les protagonistes du récit ont une psychologie fouillée et sont profondément humains.


Yusaku Godaï au premier abord est bourré de défauts: il est un peu mou, timide, trop rêveur, beaucoup trop conciliant et son impossibilité fréquente de dire “Non” et de s’expliquer clairement avant que la situation dégénère le plongeront dans de nombreuses situations cauchemardesques (pour le plus grand bonheur de nos zygomatiques).


Mais à côté de ça, il a aussi de très belles qualités: c’est une jeune homme très gentil, sympathique, compréhensif et chaleureux. Il évolue énormément au cours de l’histoire et prend de l’ampleur et dès lors qu’il a trouvé sa vocation, il s’investit ardemment dans celle ci en donnant le meilleur de lui même et devient très responsable.
Pour lui, il est hors de question de demander la main de sa bien aimée tant qu’il ne sera pas devenu indépendant financièrement et qu’il n’aura pas eu un travail.

Pour ce qui est de Kyôko Otonashi son égérie, contrairement aux apparences, ce n’est pas une “princesse parfaite” et elle est aussi blindée de défauts.
Elle est très susceptible, s’emporte rapidement, a trop tendance à sauter aux conclusions, elle est têtue comme une mule ainsi que d’une jalousie maladive…


Mais à côté de ça, elle est très sensible, a un coeur d’or, elle est perspicace et elle est très lucide aussi bien envers elle même qu’envers les autres.


C’est également une femme tourmentée, qui a été traumatisée par la mort de son époux Soïchiro (Maxime en VF) qu’elle aimait plus que tout au monde. Elle a peur de tomber à nouveau amoureuse, d’une part, parce qu’elle aurait la sensation de trahir Soïchiro en épousant un autre homme, et d’autre part, en ouvrant son coeur à un autre homme, elle craint d’éprouver à nouveau la même souffrance et le même chagrin si celui ci venait à mourir avant elle, en bref, elle est terrifiée à l’idée de ressentir la même douleur que celle qu’elle a eu lors du décès de son mari (dont on ne verra jamais le visage).

 

L’évolution de Kyôko est admirablement menée tout au long de la série, nous la voyons peu à peu retrouver goût à la vie grâce à ses ami(e)s, ses loisirs, son travail et la voir retomber amoureuse est extrêmement touchant…

Bien sûr, on ne peut pas parler de Maison Ikkoku sans évoquer les troubles fêtes qui mettent de l’ambiance!

Je pense en particulier à Ichinosé (Pauline en VF), Akemi (Charlotte en VF) et Yotsuya (Stéphane en VF), les trois joyeux lurons qui prendront un malin plaisir à mettre le souk au sein de la pension et à perturber la relation entre Godaï et Kyôko.

Yotsuya est perfide, voyeur et manipulateur, Godaï étant sa “poire” favorite, quant à Akemi, elle est très délurée et provocatrice.


Ichinosé adore également s’imbiber de saké et faire la bringue. Elle est néanmoins légèrement moins siphonée que les deux autres et s’inquiète sincèrement de l’avenir de Kyôko et espère qu’elle refera sa vie auprès d’un autre homme.

Il y a également Shun Mitaka (François Talmon en VF), le professeur de Tennis de Kyôko qui deviendra LE rival de Godaï.
Il est beau, riche, intelligent, fort et plein d’assurance.

Seulement il a un GROS point faible: sa peur panique des chiens: il perd tous ses moyens dès qu’il a le malheur de croiser un clébard ou d’entendre un aboiement!
Et manque de chance pour lui, Kyôko a un chien portant le même nom que son défunt mari.
Le tour de force de Takahashi est d’avoir fait de lui certes un homme presque parfait, mais pas insupportable ou tête à claque pour autant.

On évoquera également les rivales de notre belle concierge: Kozue Nanao et Ibuki Yagami.

Kozue (Suzanne en VF) est une jeune femme de la même génération que Godaï. C’est une adorable jeune femme, incroyablement gentille, douce et très naïve. Elle est pleine d’attentions délicates envers Godaï et se montre très souvent attendrissante. Notre étudiant en herbe n’est pas amoureux d’elle, mais il tient beaucoup à elle et se demande comment lui annoncer qu’il est épris d’une autre femme sans lui briser le coeur.

Et puis il y a Ibuki Yagami la lycéenne (Clémentine en VF). Elle est follement amoureuse de Godaï et s’avérera au début très égoïste, butée, têtue et capricieuse. Toutefois, plus loin dans le scénario, elle s’inquiètera sincèrement pour son bien aimé, pensera davantage à lui qu’à elle même et fera l’impossible afin que celui ci puisse trouver un travail.
C’est un personnage agaçant, mais aussi très intéressant qui apportera un vrai coup de fouet à l’intrigue.

L’un des atouts majeurs de Maison Ikkoku est bien évidemment l’humour qui touche plusieurs registres: il y a des gags visuels (certaines mimiques et expressions faciales des personnages sont à mourir de rire!), des jeux de mots désopilants (admirablement adaptés dans la VOSTFR), des quiproquos donnant lieu à des situations rocambolesques franchement hilarantes…
Et puis l’humour de cette oeuvre s’avère ne jamais être lourd et indigeste.

Toutefois, la série regorge également de passages très mélancoliques et poétiques, transcendées par la BO virtuose…

L’oeuvre est également très romantique, l’histoire d’amour de Kyôko et Godaï est magnifique et très touchante et évite avec maestria les écueils de la niaiserie.

Maison Ikkoku traite également de sujets de société graves et très sérieux comme la misère, le chômage, le deuil…
sans sombrer pour autant dans le pathos contrairement à beaucoup de films français dramatiques médiocres et de bas étage.

C’est en tout cas certainement l’une des raisons pour lesquelles la série parle tant aux lecteurs et spectateurs trentenaires.
Et puis il faut bien le dire, ici on a affaire essentiellement à des adultes, et la maturité des dialogues, des échanges, n’en est que plus subtile ( et Takahashi n’élude nullement la question du sexe entre ses personnages ).
En terme de sentiments, Maison Ikkoku tutoie l’exceptionnel et fait partie du panthéon des meilleures bandes dessinées et séries animées.

La série animée fait d’ailleurs parfaitement honneur au manga de Rumiko Takahashi, l’oeuvre originale n’ayant en rien été trahie ou dénaturée via l’adaptation animée.

Si vous voulez une série drôle, romantique, intelligente, mature et émouvante, Maison Ikkoku est fait pour vous! 🙂

Le manga composé de 10 tomes est disponible aux éditions Tonkam, quant à la série animée, elle est sortie dans son intégralité en cinq coffrets DVDs VO/VF chez AB.
L’image est magnifique et bénéficie de couleurs chatoyantes et le son de la piste audio japonaise est d’excellente qualité et très clair.

La VOSTFR rend ses lettres de noblesse à l’oeuvre et la traduction exemplaire retranscrit à merveille l’humour et l’émotion de la version originale.
D’ailleurs, comme avec toutes les adaptations animées des oeuvres de Rumiko Takahashi, on applaudira le casting des seiyuu qui est en or.
On saluera entre autres l’interprétation magistrale de Sumi Shimamoto (Clarisse dans Lupin III Le Château de Cagliostro ,Nausicaä) dans le rôle de Kyôko Otonashi et sa voix divinement belle sied à merveille au personnage. Quant au grand Akira Kamiya (Ryô Saeba dans City Hunter) il nous livre l’une des plus belles prestations de sa carrière via le personnage de Shun Mitaka qu’il double avec brio.

Quoi qu’il en soit, Maison Ikkoku est un pur chef d’oeuvre que je recommande aussi bien aux spectateurs de la première heure qu’aux néophytes n’ayant jamais lu/vu cette oeuvre majeure, le manga comme la série animée étant totalement indispensables. 😀

VIVE MAISON IKKOKU !

8 thoughts on “Critique de la série animée Maison Ikkoku/Juliette je t’aime

  1. Super post ! Moi qui n’avais jamais vu cette série à l’époque du Club Do, ça me donne envie de la regarder 😀

    1. Merci beaucoup Jacques, je suis heureux que ma critique de Maison Ikkoku vous ait plu et donné envie de voir ce chef d’oeuvre ! ^_^ Si mes critiques donnent envie aux gens de découvrir ou redécouvrir des classiques comme Maison Ikkoku, j’en suis très content et cela me motive d’autant plus à écrire de futurs articles ! 🙂

  2. Je n’ai malheureusement pas pu suivre régulièrement la série animée, que j’aimais fort. Bravo Xanatos de nous détailler finement chaque personnage, car ils sont tous hauts en couleur !

    1. Merci beaucoup Yannick, ravi que ma description de chaque personnage de Maison Ikkoku t’ait plu et que tu aies aimé mon article sur cette série culte ! 😀

  3. C’est un très bel article pour une très belle série ! on ressent bien le plaisir que t’a procuré cette œuvre à la lecture de tes mots.
    Pour ma part, j’ai découvert cette série dans le Club Dorothée, mais hélas sans pouvoir la suivre avec régularité. Puis je l’ai suivi peu après dans Récré Kids. Je l’ai revu également vers 2017 car j’avais beaucoup envie de la revoir et de revivre toutes les diverses émotions que son histoire procure. C’est une série que je reverrai encore avec grand plaisir.
    J’ajouterais à toutes les belles choses que tu as souligné sur cette œuvre que les divers génériques qui la compose sont de véritables bijoux, que cela soit pour la musique que pour l’animation pleine de poésie.

    1. Merci énormément Captain Jack, ravi que ma chronique dédiée à ce grand chef d’oeuvre qu’est Maison Ikkoku t’ait autant plu ! 😀 Oui, cela me tenait très à coeur de mettre en lumière les magnifiques qualités de cette oeuvre majeure. Moi aussi je la reverrai et je la relirai encore et encore, Maison Ikkoku fait partie de ces séries phares que j’aimerai toute ma vie ^_^ . Je te rejoins en tout point sur les génériques originaux japonais (les openings comme les endings) qui sont en tout point somptueux, tant dans le registre musical que du point de vue graphique comme tu le dis avec justesse 🙂 .

  4. Une des choses les plus émouvantes que je trouve chez Rumiko Takahashi, c’est la grâce extraordinaire de ses personnages de jeunes filles, alors que, soyons sincères, Rumiko n’est et ne fut jamais un canon de beauté. Elle a donc sublimé par la beauté de Lamu et des autres tout ce qu’elle aurait rêvé d’être….

    1. Ce n’est pas impossible en effet mon cher Yupa, toutes ses héroïnes sont soit très belles, soit magnifiques: Lamu que tu as évoqué (qui est devenu un sex symbol du manga et de l’animation japonaise), Kyôko Otonashi dans Maison Ikkoku, Ranma fille et Akané Tendô dans Ranma 1/2, Kagome et Kikyo dans Inu Yasha… Ce qui est tout de même très intéressant dans Maison Ikkoku comparativement aux autres séries de Rumiko Takahashi, c’est que les personnages y vieillissent en temps réel (comme City Hunter de Tsukasa Hôjô). Ainsi lors du début de la publication de Maison Ikkoku en 1980, Kyôko a 20 ans et Yusaku 18 ans alors qu’à la toute fin de la série, Kyôko a 27 ans et Yusaku 25 ans ! 🙂

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