
Les Dents de la Mer
Les Dents de la Mer
Réalisation : Steven Spielberg
Scénario : Peter Benchley, Carl Gottlieb
Producteurs : Richard D. Zanuck, David Brown
Musiques : John Williams
D’après le roman de Peter Benchley
1er juillet 1974, l’île d’Amity. Une fête d’étudiants bat son plein sur la plage. Deux jeunes adultes Chrissie Watkins et Tom Cassidy se regardent dans le blanc des yeux et finissent par avoir le béguin l’un pour l’autre.
C’est alors que Tom court après Chrissie, subjuguée par la beauté ensorcelante de la jeune femme, cette dernière lui annonce qu’elle va aller nager. Elle ôte tous ses vêtements avant de se jeter à l’eau. Le jeune homme la suit tant bien que mal mais se casse la figure avant de s’assoupir, étant totalement imbibé d’alcool.
Malheureusement pour Chrissie, elle est loin de se douter que ce bain sera le dernier de sa vie…
En effet une bête tapie au fond de l’océan observe ses moindres faits et gestes…
Alors que celle-ci est très détendue, elle se fait happer sans crier gare à deux reprises, ce qui cause sa stupeur, puis sa douleur, réalisant trop tard qu’elle se fait attaquer par un monstre des fonds marins.
La pauvre femme pousse des hurlements d’épouvante, et de détresse, implorant qu’on lui vienne en aide mais personne ne l’entend et elle finit par disparaître au fond de l’océan…
Le shérif Martin Brody qui vivait jadis à New York et qui a depuis lors emménagé dans l’île avec sa femme Ellen et leurs deux enfants Michael et Sean apprend par téléphone la disparition de Chrissie Watkins.
Il décide dès lors de mener son enquête et recueille le témoignage de Tom Cassidy, la dernière personne à l’avoir vu encore en vie.
Leurs recherches vont très rapidement s’avérer concluantes étant donné que Léonard Hendricks l’adjoint de Brody découvre avec horreur la dépouille de Chrissie, où du moins ce qu’il en reste sur la plage…
Martin Brody en déduit que la jeune femme a été tuée par un requin et prend la décision de faire fermer les plages afin d’assurer la sécurité de ses concitoyens.
Hélas, le maire Larry Vaughn ainsi que les autres membres du conseil municipal ne l’entendent pas de cette oreille et le dissuadent de faire cela, certifiant que la période estivale est primordiale pour l’économie de l’île et crier au requin ferait fuir les touristes potentiels. Martin se résout la mort dans l’âme de suivre le conseil du maire et du médecin légiste, ce dernier étant persuadé que Chrissie Watkins a été tuée par l’hélice d’un bateau.
Toutefois, une autre tragédie a lieu quelques jours plus tard, étant donné que Alex Kintner, un petit garçon se fait littéralement dévorer devant de nombreux témoins dont le shérif Martin Brody.
Avant cela, Pippet un chien a également été mangé mais seul son maître s’est rendu compte de sa disparition…
Cette fois, le doute n’est plus permis : un requin sévit et rôde le long des plages d’Amity.
C’est alors une véritable chasse aux requins qui est organisée par plusieurs pêcheurs insulaires, d’autant plus que la mère du petit Alex Kintner promet la récompense mirobolante de 3000 dollars pour quiconque tuerait la bête ayant tué son fils.
Martin Brody se fera ensuite épauler plus tard dans son objectif de tuer le requin par deux hommes : Matt Hooper un océanologue spécialiste des requins…
Et Quint, un vieux loup de mer connaissant très bien les habitudes des requins…
Les Dents de la Mer (Jaws en VO) est à l’origine un roman de Peter Benchley qui a été publié pour la première fois en 1974 aux États Unis.
Le romancier s’était inspiré du documentaire Bleue est la Mer, Blanche est la Mort qui s’intéressait à une expédition organisée par Peter Gimbel s’étant lancé sur la trace du grand requin blanc.
L’auteur s’est également inspiré de deux faits réels : d’abord sa propre enfance où en compagnie de son père et de son frère, ils passaient leurs vacances sur l’île de Nantucket où ils virent plusieurs requins, aussi bien des makos que des grands requins blancs.
Et pour son intrigue, Benchley s’est également inspiré des évènements survenus entre le 1er et le 12 juillet 1916 où un requin dévora quatre personnes le long des côtes du New Jersey. Certains pensaient qu’il s’agissait d’un grand requin blanc alors que c’était plus vraisemblablement un requin bouledogue qui a été responsable des attaques, certaines des victimes ayant été tuées dans un fleuve, or, le requin bouledogue est l’un des seuls squales à s’aventurer en eau douce.
Le roman Les Dents de la Mer remporta un vif succès et devint rapidement un best seller, l’édition de poche de l’oeuvre s’écoula à plus de 9 millions d’exemplaires.
Les producteurs Richard Brown et Richard D.Zanuck décelèrent le potentiel du roman qui selon eux pourraient donner lieu à un bon film.
Benchley accepta que son roman soit adapté au cinéma, même si à la base il avait pensé que jamais son oeuvre serait adaptée car selon lui il serait impossible de dresser un grand requin blanc, et un robot mécanique serait trop complexe.
Après avoir cherché plusieurs réalisateurs, ils jetèrent leur dévolu sur Steven Spielberg qui avait déjà à son actif un téléfilm et un film dans sa carrière de jeune cinéaste : Duel et Sugarland Express.
Celui-ci aima beaucoup le roman même si il a avant tout été captivé par la deuxième moitié du récit où Martin Brody, Matt Hooper et Quint embarquèrent à bord du bateau de ce dernier pour traquer le requin, ayant eu un avis assez partagé sur la première moitié du récit.
Avec l’aide du scénariste Carl Gottlieb il décida d’éliminer les éléments superflus du roman comme la liaison amoureuse adultère entre Hooper et Ellen Brody (oui l’océanologue est nettement moins sympathique dans le roman) ou encore les liens du maire avec la mafia de l’île.
Les pontes de Universal lui proposèrent de tourner le film dans un bassin, il en était toutefois hors de question pour Steven Spielberg : pour lui il était fondamental que la plupart des scènes soient filmées en mer afin d’accentuer l’authenticité et le réalisme de son long métrage.
Le tournage allait avoir lieu sur l’île de Marta’s Vineyard.
Spielberg fit par ailleurs appel à un expert pour concevoir les requins mécaniques : le grand Robert A. Mattey qui avait construit le calmar géant du film 20 000 Lieues Sous Les Mers réalisé par Richard Fleischer et produit par Walt Disney.
Le jeune et prometteur cinéaste était cependant loin de se douter qu’il allait être confronté à un véritable parcours du combattant, qu’il qualifiera comme étant son « Vietnam ».
En effet le requin que le réalisateur avait baptisé « Bruce » en référence à son avocat Bruce Ramer tomba perpétuellement en panne dès lors qu’il entra en contact avec l’eau de mer.
Ce fut un véritable cauchemar pour le pauvre Spielberg étant donné que sa « vedette » refusait perpétuellement de fonctionner. Le tournage s’éternisa et alors qu’il devait originellement durer deux mois se termina au bout de six mois.
De plus les voiliers apparaissant régulièrement à l’horizon et les querelles perpétuelles entre Richard Dreyfuss (Hooper) et Robert Shaw (Quint) ne faisait rien pour arranger les choses.
C’est alors que Spielberg eut une idée de génie : étant donné que le requin ne marchait pas comme il faut… pourquoi ne pas suggérer sa présence ?
Ainsi au cours de la première heure du film nous le voyons pas, même si il est bel et bien présent, Spielberg le « filmant » en caméra subjective, nous permettant par conséquent à nous spectateurs de voir à travers le regard du squale.
Par ailleurs lors de l’une des scènes les plus intenses de l’histoire, deux hommes tentent d’appâter le requin avec un énorme morceau de viande… leur plan fonctionne, cependant l’animal est tellement puissant que lorsqu’il attrape le morceau de viande, la chaîne à laquelle il est attaché fait s’effondrer le ponton et Charlie l’un des deux pêcheurs tombent à l’eau.
On ne voit jamais le squale, ni même son aileron, cependant le fait de voir le morceau de ponton lentement se retourner et se diriger vers Charlie nous fait aisément comprendre que le requin est là et qu’il compte bien manger celui qui lui a tendu ce piège.
Ce passage est particulièrement angoissant, car nous nous demandons à tout moment si Charlie pourra ou non s’en sortir.
L’un des éléments qui ont permis également au requin d’absolument terrifier les spectateurs, c’est l’inoubliable thème musical composé par l’immense John Williams.
En effet, en ayant composé un thème pourtant exclusivement constitué de deux notes, il a crée là une des musiques les plus terrifiantes de l’histoire du cinéma qui symbolise véritablement le requin, laissant augurer une attaque épouvantable pouvant survenir à tout moment, le thème devenant petit à petit plus menaçant et effrayant dès lors que le monstre s’approche de sa future proie.
On peut constater aussi que l’un des messages sous jacents du film est une critique sans concessions de certains politiciens dénués de scrupules. Par exemple, malgré les preuves accablantes que le requin rôde toujours et peut causer une hécatombe, le maire Vaughn ne veut rien entendre et préfère laisser les plages ouvertes. Si le tourisme est la principale (si ce n’est l’unique) ressource économique de l’île, on réalise avec dépit que les bénéfices que peuvent engendrer les touristes sont plus importants aux yeux de Vaughn que la sécurité de ses électeurs…
En fait, il faudra attendre véritablement une heure lorsque le requin mange un homme infortuné tombé de sa barque afin que le public ait un aperçu du gigantisme de l’animal semant la terreur et la mort à Amity.
C’est en tout cas une scène clé du long métrage étant donné que cette mort a eu lieu dans l’étang dans lequel se trouvait Michael le fils aîné de Martin Brody qui fut miraculeusement épargné. Si le shérif s’était déjà beaucoup investi dans la protection des habitants de l’île (et il culpabilisait déjà de ne pas avoir pris les dispositions nécessaires pour faire fermer les plages), cet évènement galvanisa sa détermination à occire pour de bon ce grand requin blanc.
En effet Martin Brody décida d’embarquer à bord de l’Orca dont le capitaine n’est nul autre que Quint, un pêcheur aguerri ayant déjà tué de nombreux requins au cours de sa carrière et qui l’un des hommes les plus à même d’abattre une fois pour toutes ce Carcharodon Charcharias (nom scientifique du Grand Blanc) ainsi que Hooper connaissant fort bien les aptitudes de ce prédateur marin hors normes.
C’est par ailleurs l’un des atouts maîtres des Dents de la Mer : outre son antagoniste carnassier colossal, la mise en scène virtuose de Spielberg et les somptueuses musiques de John Williams, ce sont ses trois protagonistes principaux qui en ont également fait un film d’exception.
En effet Brody, Quint et Hooper sont trois personnages très charismatiques, profondément humains et résolument complexes. Même si chacun d’entre a une personnalité qui lui est propre, ils sont mus par le même objectif : occire le requin mangeur d’hommes.
Martin Brody, en dépit du fait qu’il soit aquaphobe (il avait failli se noyer étant enfant) a décidé de surmonter sa peur de l’eau afin d’assurer la sécurité des habitants de l’île et de sa famille. Et pour ce qui est de Hooper, il pense que ses connaissances encyclopédiques sur les requins s’avéreront primordiales dans leur chasse.
Au cours de leur périple, si ils entretiendront parfois des rapports conflictuels, ils auront aussi leurs moments de joie et de complicité.
C’est par ailleurs dans la seconde moitié de l’intrigue que nous finissons par en savoir davantage sur le passé et le vécu de Quint.
En effet nous découvrons que Quint a été l’un des rescapés de l’USS Indianapolis, un bateau de guerre qui avait amené secrètement la bombe atomique de Hiroshima au Japon.
Le navire avait été torpillé par un sous marin Japonais et coula à pic.
L’équipage était composé de 1100 hommes qui durant les cinq jours qui suivirent connurent un véritable cauchemar. En effet si certains membres de l’équipage succombèrent à la faim et à la déshydratation et se noyèrent, bon nombre d’entre eux ont été dévorés par des requins longimanes. Ils ne furent secourus qu’à partir du 5e jour et seuls 316 hommes survécurent.
On comprend alors que derrière sa façade de vieux marin cynique, rustaud et rigolard que Quint est en fait un homme meurtri, torturé psychologiquement et qui culpabilise de ne pas avoir pu sauver plusieurs de ses compagnons d’infortune. Le fait de traquer et tuer des requins lui permet d’assouvir sa vengeance et d’honorer la mémoire de ses amis et de ses frères.
On saluera par ailleurs la prestation impériale de Robert Shaw, son monologue glaçant véritablement le sang, d’autant plus qu’il es tiré d’un fait réel !
A noter que le script du monologue de Quint a été écrit par John Millius (réalisateur de Conan le Barbare ) ainsi que par Howard Sackler (le scénariste originel du film).
Steven Spielberg sait également jouer habilement avec les attentes des spectateurs : alors que l’on a droit à un moment de prime abord calme au cours duquel Brody jette de la viande pour appâter le requin, ce dernier apparaît au moment où on s’y attend le moins.
C’est par ailleurs Roy Scheider qui imagina la réplique « Il nous faudrait un plus grand bateau » (You gonna need a bigger boat), celle-ci n’étant pas tiré du script original.
Notre trio ne tardera par ailleurs à réaliser que le Grand Requin Blanc qu’ils combattent sort totalement de l’ordinaire : en effet celui-ci fait preuve non seulement d’une résistance hors du commun (il peut plonger sous l’eau avec trois barils accrochés à sa peau) ainsi que d’une force herculéenne , mais il s’avère également être d’une intelligence diabolique et est très rusé.
Ils se rendront compte petit à petit qu’ils devront mettre de côté leurs divergences et au contraire mettre en commun leurs aptitudes et compétences respectives afin d’espérer pouvoir triompher de leur ennemi…
Quant au climax du film (dont je ne dévoilerai rien pour celles et ceux d’entre vous n’ayant pas encore vu le film) il s’avère être spectaculaire, grandiose et épique à souhait et sait nous tenir en haleine. A titre personnel, je le trouve bien plus réussi et magistral que celui du roman.
Les Dents de la Mer remporta un succès triomphal lors de sa sortie au cinéma : il rapporta 260 millions de dollars au box office américain et 210 millions de dollars au box office mondial faisant de lui le long métrage ayant remporté le plus grand succès de tous les temps. Il est aussi considéré comme le tout premier Blockbuster. Son record qui sera toutefois battu par La Guerre des Etoiles de George Lucas qui sortit deux ans plus tard et devint lui aussi un film culte.
A noter par ailleurs qu’il inspira trois suites. Si Les Dents de la Mer deuxième partie de Jeannot Swarc est un assez bon film et une séquelle honorable du film original, Les Dents de la Mer 3 de Joe Alves et Les Dents de la Mer 4 : la Revanche de Joseph Sargent sont d’épouvantables navets. Heureusement la piètre qualité des deux derniers long métrages n’ont aucunement altéré l’aura prestigieuse du film original.
Pour ma part, j’ai découvert Les Dents de la Mer pour la toute première fois à la télévision en 1985 et si il m’effraya au plus haut point, il me fascina et me subjugua tout autant.
C’est un film très cher à mon coeur car non seulement il consolida mon engouement pour le cinéma, mais il me poussa à me passionner pour les requins.
En effet, j’ai découvert que ces animaux ne sont nullement des êtres sanguinaires et insatiables : ce sont au contraire des prédateurs mangeant très peu, se contentant de manger un phoque ou un thon une fois toutes les quatre semaines, voire six semaines.
Par ailleurs ils sont indispensables à l’équilibre de l’écosystème marin.
Enfin imposible de ne pas conclure cette chronique sans saluer le doublage français absolument sensationnel et faisant honneur à ce film majeur 😀 .
Jacques Thébault a divinement doublé en français le grand Roy Scheider, à tel point qu’on ressent une vraie osmose entre les deux comédiens.
Bernard Murat quant à lui double brillamment Richard Dreyfuss et a su retranscrire avec brio à travers son jeu l’humour et le sérieux du personnage de Hooper.
Enfin André Valmy double impérialement Rober Shaw et lui insuffle un charisme prodigieux, sa voix grave lui sied à merveille.
L’adaptation française est par ailleurs au diapason avec des dialogues d’un réalisme saisissant et ô combien marquant et la traduction est très fidèle.
Je vous recommande toutefois le doublage français d’origine de 1976, le second doublage de 2005 n’étant pas aussi réussi.
Le doublage français d’origine est disponible sur le DVD du 25e anniversaire du film ainsi que sur le Blu-Ray.
Les Dents de la Mer est un film terrifiant, viscéral, envoutant, fantastique, drôle et émouvant.
Un chef d’oeuvre, un vrai qui propulsa la carrière de Steven Spielberg qui rejoignit le panthéon des plus grands cinéastes de tous les temps ! 😀
Les Dents de la Mer est disponible en DVD et Blu-Ray chez l’éditeur Universal.
Plusieurs de mes informations sont tirées du hors série Mad Movies Classic « Les Dents de la Mer ».