Charlie mon héros: le joyau noir et poétique de Don Bluth et Gary Goldman

Charlie mon héros: le joyau noir et poétique de Don Bluth et Gary Goldman

Charlie mon héros (All Dogs go to Heaven)

Réalisation: Don Bluth et Gary Goldman

Charlie est un chien qui après avoir commis divers larcins au cours de son existence a croupi en prison.

Cependant, son meilleur ami Gratouille vole à son secours et parvient à le faire évader !

 

Il retourne alors dans son repaire et est accueilli en grandes pompes par ses ami(e)s et ses admirateurs, bien déterminé à mener à nouveau la grande vie, en poursuivant ses arnaques habituelles qui lui permettront de vivre dans la richesse et l’opulence.

Malheureusement pour lui, son partenaire l’infâme Carcasse (qui l’avait piégé et contribué à ce qu’il finisse en prison) ne l’entend pas de cette oreille, embobine Charlie et l’assassine: il lui envoie une voiture qui le percute de plein fouet le tuant instantanément.

Une fois arrivé au paradis, un ange prénommée Annabelle l’accueille.

Hors de question cependant pour Charlie de rester coincé dans un endroit aussi prévisible et ennuyeux selon lui, et, grâce à une ruse dont il a le secret, il ressuscite et parvient à revenir sur Terre.

Son objectif numéro 1 est de se venger de Carcasse qui l’a trahi. Il retrouve alors son vieil ami Gratouille et ils ont pour projet de “sauver” Anne-Marie, une petite fille humaine ayant la faculté unique de communiquer avec les animaux et de les comprendre et qui est la prisonnière de Carcasse…

Charlie mon héros est le quatrième long métrage de Don Bluth sorti au cinéma aux États Unis en 1989 et en 1990 en France. Il demeure encore à ce jour mon oeuvre favorite de Don Bluth , ex-aequo avec son somptueux Brisby et le secret de Nimh.

Charlie mon héros avait marqué les esprits à l’époque en raison de son scénario sortant clairement des sentiers battus ainsi que de son personnage principal, très éloigné des gentils héros de Disney.

En effet Charlie est un personnage très ambigu et équivoque: il est roublard, menteur, manipulateur, calculateur, cupide et intéressé.

Quand il vient délivrer la petite Anne Marie des griffes de son ennemi et ancien acolyte l’infâme Carcasse, c’est uniquement par appât du gain et pas par noblesse d’âme.

En effet, la faculté de la petite fille lui permettant de communiquer avec les animaux et de les comprendre constitue à ses yeux un gagne pain non négligeable.

D’ailleurs,  c’est à mon humble avis l’une des très rares faiblesses de l’histoire: à chaque fois que l’enfant demande aux animaux qui va gagner les courses sur lesquelles parient Charlie et Gratouille, les favoris gagnent TOUJOURS.

Or il y a toujours des éléments impondérables dans une course ne permettant pas de toujours déterminer avec exactitude l’issue de celle ci, un candidat que l’on pronostique comme le futur gagnant peut perdre suite à des éléments imprévus.

En tout cas, on peut dire que l’évolution psychologique de Charlie est finement traitée au fil de l’histoire: si pendant une bonne partie de celle-ci, il considère Anne Marie comme un tiroir caisse, petit à petit, il se prendra d’affection pour elle et l’aimera et on le verra tout faire pour la protéger (le dénouement étant éloquent à ce sujet).

Anne Marie est d’ailleurs un personnage très intéressant: c’est une petite fille, gentille, altruiste, généreuse et attentionnée, mais celle-ci n’est ni naïve, ni stupide. Quand elle se rend compte que Charlie la manipule, elle le met devant le fait accompli et insiste pour qu’il respecte ses engagements tout en l’aidant à lui trouver des parents.

Anne Marie constitue la lumière de ce film résolument sombre.

En effet, on ressent bien l’atmosphère glauque et oppressante, typique des films de gangsters, Carcasse (Carface en VO, référence évidente au film et au personnage Scarface )l’antagoniste principal étant un caïd de la mafia canine intelligent, cruel et absolument impitoyable.

Cependant, bien qu’intimidant, il ne constitue pas le personnage le plus effrayant du film, le plus terrifiant d’entre tous étant le Hellbound, le Satan canin des Enfers:

Au milieu du film, nous voyons Charlie faire un cauchemar au cours duquel il sombre dans les entrailles de l’enfer. Il s’agit sans nul doute de LA scène la plus glaçante du long métrage. L’épouvante et la douleur éprouvées par Charlie sont réellement palpables, on a la sensation qu’il n’a aucune échappatoire dans ce lieu infernal où il sait qu’il sera voué à la damnation éternelle si il y tombe réellement dedans. Le Hellbound, même si on le voit que quelques secondes est une créature démoniaque qui, de par sa stature et sa physiologie monstrueuses marque les esprits de par sa dangerosité et sa voix d’outre tombe inoubliable.

Ceci dit, même si Charlie redoute par dessus tout de finir en enfer, le fait d’aller au paradis ne l’enchante pas énormément: quand l’ange lui dit qu’il vivra éternellement une existence ordonnée, policée, prévisible, cela l’ennuie. En effet, d’après lui, ce qui fait le piment de la vie, c’est justement son imprévisibilité, Charlie vivant au jour le jour.

Enfin, l’humour est aussi au rendez vous, la trame regorge de passages humoristiques cocasses et désopilants. Le moment le plus hallucinant et tordant étant la rencontre entre Charlie et l’alligator qui est un morceau d’anthologie de par son côté psychédélique complètement frappadingue !

Charlie mon Héros est à mon avis un chef d’oeuvre, d’une part à cause de sa réalisation technique éblouissante et de son animation parfaite, d’autre part grâce à son scénario audacieux, novateur et palpitant.

De plus la richesse narrative de l’intrigue le rend enthousiasmant à voir pour toutes les générations, le film étant tour à tour sombre, oppressant, hilarant, délirant, dramatique et très émouvant.

Le film n’a hélas pas remporté le succès escompté lors de sa sortie au cinéma aux États Unis, étant sorti pratiquement en même temps que La Petite Sirène réalisé par John Musker et Ron Clements et qui marqua la renaissance des studios Disney. Heureusement, au fil des années, ce film majeur de Don Bluth et Gary Goldman aura enfin droit à la reconnaissance qu’il méritait tant et acquerra le statut de film culte…

La production du film a hélas été endeuillé par une épouvantable tragédie: Judith Barsi, l’enfant qui interprétait Anne-Marie en VO a été brutalement assassiné par son père qui s’est ensuite donné la mort. Bouleversé par la mort prématurée de cette petite fille, Don Bluth s’est efforcé à ce que Anne-Marie le personnage à qui elle prêta sa voix lui ressemble physiquement pour rendre hommage à sa mémoire. “Love Survive” le générique de fin du film lui est par ailleurs dédié.

Au sujet de la version originale, Charlie est interprété par le célèbre acteur Burt Reynolds et Gratouille par Dom Deluise, l’alchimie entre les deux acteurs a été tellement brillante qu’ils improvisèrent certains dialogues encore plus drôles que ceux d’origine et Don Bluth salua leur créativité.

 

la version française n’est pas en reste: c’est l’immense Richard Darbois qui double avec brio Charlie et le grand Jacques Frantz qui double son meilleur ami Gratouille. Richard Darbois est par ailleurs sensationnel sur Charlie le rendant tour à tour hilarant, charismatique et très touchant…

On a également d’autres pointures au casting tels que Céline Monsarrat (voix française de Julia Roberts) sur Annabelle, Claude Joseph (voix française d’origine de Sam le Pirate), ou encore Philippe Peythieu (voix française de Danny de Vito et Homer Simpson) sur Zigouille son acolyte froussard. Quant à Alexandra Garijo encore très jeune à l’époque, elle est excellente et très touchante dans le rôle de Anne-Marie.

En ce qui concerne les éditions physiques du film, si il est sorti en VHS dans les années 90 ainsi que dans une horrible édition DVD dans les années 2000 de piètre qualité (image délavée, aucun chapitrage, pas de version originale sous titrée en français, aucun bonus), Charlie mon Héros eut droit heureusement à une réédition dans un coffret DVD/Blu-Ray digne de ce nom chez l’éditeur Rimini Productions redonnant au film ses lettres de noblesse: une image magnifique et restaurée, VF et VOSTFR, chapitrage et deux bonus passionnants: une interview de Xavier Kawa Topor spécialiste du cinéma d’animation qui analyse ce long métrage et une visite des studios Sullivan Bluth à Dublin.

Charlie mon héros est l’un des films d’animation américains majeurs des années 80 sur qui les ravages du temps n’ont aucune emprise, tant il n’a pas vieilli et demeure exceptionnel et envoûtant.

Mes sincères remerciements spéciaux à Mauser91 et Veggie11 de m’avoir convaincu de voir ce joyau de l’animation mondiale.

 

 

 

5 thoughts on “Charlie mon héros: le joyau noir et poétique de Don Bluth et Gary Goldman

  1. Je l’ai vu avec grand plaisir, et en effet c’était pour une fois un film d’une indéniable profondeur psychologique, inattendue à l’époque . J’ignorais l’affreux drame de l’assassinat de l’enfant par son père !!

    1. Oui, j’ai appris ce qui est arrivé à la pauvre Judith Barsi via l’excellente fiche dédiée à ce film que Mauser91 a publié sur Planète Jeunesse. Ce drame m’a vraiment choqué et attristé et j’ai vraiment de l’admiration pour Don Bluth et Gary Goldman d’avoir finalisé le film après ce qui est arrivé à cette pauvre enfant. A noter aussi que Judith Barsi a été la voix originale de l’adorable Becky, une des meilleures amies de Petit Pied dans un autre grand chef d’oeuvre de Don Bluth et Gary Goldman “Le Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles” (The Land Before time en VO). Tout à fait d’accord avec toi mon cher Yupa, “Charlie” est effectivement un film très intelligent, complexe, novateur et audacieux, qui se démarquait sensiblement des autres films d’animation américains du genre à l’époque. Je suis par ailleurs très heureux de l’avoir redécouvert au cinéma avec toi lors de sa ressortie en 2019 et de t’avoir fait découvrir ce joyau ! ^_^

  2. Contrairement à Brisby, je n’ai pas eu l’occasion de revoir Charlie après son premier passage à Canal, mais rétrospectivement, c’était un bon film, bien que détonnant parfois des productions Disney. Quelque part, le titre français un peu mièvre cachait son sens (le titre original convenait mieux).

    1. Johnny, je te recommande fortement de le revoir, ce joyau n’a pas pris une ride et gagne à être redécouvert ! 😀 Et l’édition DVD/Blu-Ray de Rimini Productions fait honneur à ce chef d’oeuvre. A mon humble avis, c’est justement son côté détonnant comparativement aux films d’animation Disney de l’époque qui apporte un certain cachet à ce film majeur de Don Bluth. Pour le titre français, à la base, il s’appelait “Charlie” tout court. C’est lors de ses diffusions télévisées et ses rééditions ultérieures en VHS et en DVD/Blu-Ray qu’il a été rebaptisé “Charlie mon héros”. Ce titre français ne me dérange pas outre mesure, mais je vois ce que tu veux dire, c’est comme si le responsable du nouveau titre voulait atténuer l’ambiguïté du protagoniste principal (qui est loin d’être un saint !) et il est vrai que le titre original reflète davantage le ton de l’histoire…

      1. Il se pourrait que je le redécouvre avant la fin de l’année. J’ai contacté l’éditeur au sujet de Brisby (édition Blu-ray introuvable), mais ils ne peuvent pas avoir les droits du film, m’ont-ils dit.

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