Lupin III : Le Trésor d’Harimao
Réalisation : Osamu Dezaki
Character design : Masatomo Sudo
Musiques : Yuji Ohno
Lupin III et ses complices sont cette fois sur la trace du trésor du célèbre pirate Harimao, perdu depuis des décennies, qui vaudrait plus de huit cent milliards de dollars. Pour s’en emparer, ils doivent d’abord découvrir les trois statuettes qui renferment la clé du trésor.
Mais lorsque la sinistre organisation Neo Himmel entre dans la danse, Lupin III se voit forcé de faire équipe avec Lord Archer, célèbre agent britannique maintenant à la retraite, qui lui aussi recherche le trésor.
Accompagnés de Diana, la petite-fille d’Archer, ces partenaires improbables se lancent dans une aventures remplie d’humour, de danger et de surprises…
Le Trésor d’Harimao est le cinquième et dernier téléfilm de Lupin III réalisé par Osamu Dezaki. Les précédents téléfilms de ce grand metteur en scène sortis officiellement en France étaient assez inégaux: Si Good Bye Lady Liberty est excellent et constituait un divertissement de grande qualité, Le Dictionnaire de Napoléon était tout juste passable, souffrait d’une réalisation technique médiocre et était loin d’être inoubliable.
Fort heureusement, pour Le Trésor d’Harimao, Dezaki a cette fois bénéficié d’un budget conséquent lui permettant de déployer toute l’étendue de son talent. L’animation est excellente et extrêmement fluide du début jusqu’à la fin, on sent clairement le bond technique par rapport aux téléfilms précédents. Le character designer et le directeur de l’animation est le même que le volet précédent (Le Dragon Maudit), en l’occurrence Masatomo Sudo, , mais sur Harimao son trait est plus soigné et davantage maîtrisé.
Enfin, la mise en scène de Dezaki est tout bonnement magistrale et extrêmement efficace, digne d’un film cinématographique de grande envergure.
Nous retrouvons également les effets de style de prédilection du réalisateur tels que les superbes illustrations figées et crayonnées, ainsi que certains effets spéciaux superbes comme la gestion habile de la lumière lors de certaines scènes.
L’intrigue de ce TV Spécial bien que classique est très bien construite et réunit certains des meilleurs éléments de la deuxième série télévisée. Le scénario est très dépaysant et l’on voit nos personnages préférés voyager énormément de par le monde: ils visitent successivement L’Alaska, La Grande Bretagne, le Danemark, l’Inde… Les décors du long métrage sont très variés et franchement sublimes.
Nous retrouvons aussi avec bonheur l’humour absurde et délirant qui faisait tant le charme des séries télévisées et qui avait été quelque peu occulté dans certains des téléfilms précédents comme Destination Danger.
A ce titre Lupin est en pleine forme: Dans cette aventure, il est jovial, farceur et rigolard, toujours prêt à raconter une bonne blague dès que l’occasion se présente. On retrouve aussi le côté obsédé et pervers du personnage très présent dans le manga original de Monkey Punch, mais qui est passé un peu à la trappe dans la plupart des adaptations animées précédentes: la perversité du personnage donne lieu d’ailleurs à des situations franchement hilarantes.
Par exemple, Lupin et ses amis doivent franchir un barrage tenu par des militaires et notre joyeux cambrioleur a recours une astuce aussi loufoque qu’inattendue: il offre des centaines de cassettes pornographiques aux militaires qui sont tellement enthousiasmés par ce cadeau qu’ils laissent passer nos héros !
Lupin sait toutefois se montrer sérieux et professionnel dès que la situation l’exige et se révèle avoir beaucoup de classe lors de ces moments clés.
Jigen reste fidèle à lui même: il est décontracté, flegmatique et nous gratifie souvent de son humour pince sans rire savoureux.
Il use également à maintes reprises de son revolver et de son artillerie lourde pour venir en aide à ses compagnons.
Pour ce qui est de Fujiko, si elle se révèle toujours aussi maligne, intelligente et fourbe, elle ne fait guère appel à son charme et son sex appeal dans ce récit, contrairement à son habitude.
On sera en revanche un peu déçus par les rôles tenus par Goemon et l’inspecteur Zenigata. Goemon aide de temps en temps Lupin et Jigen mais uniquement pour se faire payer, celui-ci étant très près de ses sous dans cet opus.
C’est certes un rôle original qui est attribué à notre samouraï préféré mais qui ne colle pas à son caractère. Sans être indifférent envers l’argent, il n’a jamais été aussi vénal dans aucune des adaptations animées précédentes de Lupin III. Généralement, quand il accompagnait Lupin, dans ses expéditions et autres péripéties, c’était par amitié et loyauté envers lui, et non dans l’attente de toucher des valeurs pécuniaires de sa part. Cependant, il se montre aussi efficace qu’à l’accoutumée et empêche entre autres Lupin et Jigen d’être coffrés par la police ou encore découpe en rondelles des pièges.
Zenigata quant à lui est hélas un peu trop sous exploité dans le scénario, ses apparitions n’étant que ponctuelles.
Fort heureusement il est aussi drôle que d’habitude et on découvre qu’à l’exception de la capture de Lupin, il a une autre passion: les Ramen ! (soupes japonaises avec des pâtes) Tout au long de l’histoire, il ne cesse de s’en goinfrer ou d’en proposer aux autres personnages ce qui provoque parfois des gags des plus cocasses ! Il arrive aussi à arrêter Lupin, même si cela ne dure que quelques heures.
Un des atouts majeurs du “Trésor d’Harimao” ce sont les personnages secondaires qui sont très typés et charismatiques.
Lord Archer est un aristocrate britannique à la retraite qui s’est reconverti en tant que patron d’assurances, il dirige la Loyd’s Enterprise, l’agence d’assurance la plus puissante du Royaume Uni. Il était jadis un agent secret habile et talentueux qui a réussi l’ensemble de ses missions. Ses exploits auraient inspirés de nombreux romanciers et scénaristes de films, il déclare même avoir été le modèle d’inspiration du personnage de James Bond !
Ceci est un clin d’oeil amusant des scénaristes d’Harimao au héros de Ian Fleming, surtout que pour Monkey Punch, il a servi de modèle d’inspiration à Lupin III ex-æquo avec Arsène Lupin de Maurice Leblanc. Archer est un personnage très attachant: il est sympathique, très calme, distingué et il est doté d’un humour “british” absolument délectable. Il fait penser un peu au James Bond incarné par Sean Connery sur ses vieux jours. Archer en dépit de son grand âge sait aussi être un combattant redoutable au corps à corps…
Il est également un incorrigible séducteur et qui ne manque pas de draguer Fujiko à plusieurs reprises. C’est un homme assez mystérieux qui sait plus qu’il n’en dit et ne fournit des infos à Lupin qu’en filigranes. Il éprouve cependant une amitié sincère envers ce jeune homme sympathique et drôle.
Sa petite fille Diana est professeur d’archéologie, mais elle est surtout une aventurière, comme elle l’explique à Fujiko, elle consacre davantage de temps à ses fouilles ou à visiter des régions inexplorées qu’à enseigner des cours à ses étudiants. C’est une jeune femme intelligente, courageuse et intrépide.
Elle est aussi doté d’un caractère bien trempé et se chamaille souvent avec Lupin tout en n’étant pas complètement indifférente à son charme.
Diana est un peu une “Lara Croft” avant l’heure (le jeu vidéo Tomb Raider ayant été produit l’année d’après en 1996).
En plus d’être influencé par la saga des James Bond, le récit est truffé de références à la saga des Indiana Jones. Tout comme Indiana, on voit Lupin déjouer des pièges diaboliques à l’intérieur d’un château, ou encore on le voit s’infiltrer dans un temple indien, au nez et à la barbe de soldats armés jusqu’aux dents.
Le fait qu’on voit notre roi des voleurs voyager énormément est également un clin d’œil aux films du célèbre aventurier.
Enfin, les ennemis principaux de Lupin dans ce téléfilm sont des nazis, comme dans le premier et troisième volet de la saga des Indiana Jones (
Les Aventuriers de l’Arche Perdue et
Indiana Jones et la Dernière Croisade).
Cette organisation nazie est dirigée d’une poigne de fer par leur leader, l’androgyne et impitoyable “Herr Mafroditte”! (et oui, pour une fois, on a un jeu de mot qui marche aussi bien en français qu’en japonais!). La véritable identité de cet ignoble individu en surprendra d’ailleurs plus d’un!
L’intrigue est dynamique, menée tambour battant et est truffée de scènes d’action d’anthologie (la course poursuite en Alaska, le sauvetage aérien de Diana, l’infiltration de nos héros dans le temple indien…) L’histoire est riche en rebondissements, en surprises et coup de théâtres et ne souffre d’aucun temps mort. Les seuls reproches que l’on pourrait émettre à l’encontre de cet épisode spécial sont les rôles limités et décalés de Goemon et Zenigata ainsi qu’un dénouement un peu abrupt et brutal.
Néanmoins, “Le Trésor d’Harimao” n’en demeure pas moins un excellent téléfilm magnifiquement réalisé, désopilant et palpitant d’un bout à l’autre. Il est vivement recommandé, aussi bien aux fans de Lupin III qu’aux néophytes n’ayant jamais vu aucune de ses aventures.
Lupin III Le Trésor d’Harimao est sorti en DVD en France chez l’éditeur Dybex en VF/VOSTFR accompagné du téléfilm suivant de 1996 Le Secret du Twilight Gemini.
Cette chronique est dédiée à la mémoire de Eiko Masuyama, la brillante seiyuu originelle de Miné Fujiko qui a interprété l’égérie de Lupin III du film pilote de 1969 jusqu’à l’épisode spécial Secret Filesde 2012. Cette talentueuse seiyuu est hélas décédée le 20 mai 2024 à l’âge de 88 ans… Elle aura prêté sa voix suave et sensuelle à Fujiko pendant plus de 40 ans et elle excellait tant dans les moments comiques du personnage que dans ceux où elle se montrait enjôleuse ou au contraire quant elle dévoilait les facettes plus sensibles de sa personnalité… Les seules itérations animées de la saga où elle n’a pas interprété Fujiko au cours de sa carrière et avant sa retraite fut la première série animée télévisée de 1971, le film Le Complot du Clan Fûma de 1987, et les téléfilms de 2011 et 2012.
Depuis 2011, c’est la formidable Miyuki Sawashiro qui lui succéda avec panache dans le rôle de Fujiko. Néanmoins, dans le coeur de milliers fans, Eiko Masayuma demeurera LA voix japonaise emblématique de la bien aimée du roi de la Cambriole.
Mes sincères condoléances à sa famille, ses ami(e)s et ses proches…
Cette chronique fut originellement publiée sur l’excellent blog de mon ami Indianagilles consacré à Lupin III.
https://lebloglupiniii.blogspot.com